Monument Maurice Bouchery

 

Rue de la Gare.

 

 

 

Monument en béton armé représentant une croix de Lorraine, orné d'un portrait en bronze de Maurice Bouchery (voir la rubrique " hommes célèbres " du site). Il fut financé par souscription, organisé par le comité de Résistance Maurice Bouchery. Le terrain fut offert par la municipalité.

 

Maurice Bouchery est né à Lille le 22 août 1897. Il fit de brillantes études au lycée Faidherbe et obtint son baccalauréat en juin 1914. Mais quelques semaines s'étaient à peine écoulées que sonne le clairon de la mobilisation. Il entreprend des démarches en vue d'un engagement volontaire et à l'âge de 18 ans à peine il parvient à obtenir son incorporation au 17ème régiment d'artillerie à Bourges. Il ne tarde pas à se distinguer et après de nombreuses citations et blessures, il reçoit la Croix de Guerre avec palmes en 1917 à Verdun. Revenu à la vie civile, il se fait une situation dans la représentation et la direction d'une maison d'électricité et vient habiter La Bassée plusieurs années avant la seconde guerre mondiale.

 

 

 

Il avait dans tous les domaines le souci du travail bien fait et pour ne donner qu'un seul détail : les chronomètres des parachutistes anglais étaient bien souvent mal en point à la suite d'atterrissages un peu brusques. Ne se chargeait-il pas personnellement de les confier à un homme sûr ? Léon Langrand effectuait les réparations avec toute la discrétion qui s'imposait ! Il s'occupa enfin en liaison avec l'imprimerie Berdin de sortir 2 numéros de La Voix du Nord clandestine.

 

Mais recevoir les ordres de Londres et rendre compte de leur exécution, grâce à un poste de radio clandestine installé à son domicile à l'angle de la rue des Tanneurs, telle était en toutes circonstances pour Maurice Bouchery la tâche prioritaire dont dépendaient toutes les autres.

 

Voilà d'une façon succincte quelle fut pendant 42 mois l'activité du Lieutenant colonel Bouchery, chef du mouvement de résistance Voix du nord Cette activité lui valut la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur, la Médaille Militaire, la Croix de Guerre, la Médaille de la Résistance, la Médaille des Combattants Volontaires, the Medal of Freedom, la Croix de la Vaillance Polonaise.

 

Sa dernière mission, il l'accomplit le 8 janvier 1944. Il se trouvait à Lille Place Rihour à 5 heures du matin en compagnie de son fidèle chauffeur Robert Buisine qui depuis janvier 1941 se tenait à sa disposition avec une camionnette pour tous les transports urgents. Il avait la charge de remettre à un convoyeur délégué par la Résistance de Paris cinq aviateurs américains. Ce convoyeur devait se faire reconnaître en craquant une allumette. Lieu précis : face au café La Chicorée. Il accomplit le geste de reconnaissance prévu. Aussitôt Maurice Bouchery fit signe à Robert Buisine qui stationnait non loin de là. Ce dernier délivra les cinq aviateurs qui étaient soigneusement dissimulés derrière un important amas de caisses vides et d'emballages divers. Tout se passa apparemment pour le mieux, mais ce n'était qu'une apparence, car les cinq aviateurs tombèrent le même jour 8 janvier entre les mains de la Gestapo en gare de Lille et dans des circonstances qui n'ont jamais pu être éclaircies. Le lendemain 9 janvier, une perquisition en règle était opérée au domicile basséen de Maurice Bouchery. Et par la suite aucune confrontation de ce convoyeur n'eut lieu ni avec Maurice Bouchery, ni avec Robert Buisine, ni avec aucune autre personne arrêtée.

 

Toutes ces coïncidences sont extrêmement troublantes et portent à croire qu'il y a eu trahison de la part du convoyeur parisien. Toutefois depuis 33 ans aucun élément certain n'est venu confirmer ce sentiment. La vérité, la saura-t-on jamais ? 

 

 

 

La perquisition du 9 janvier au domicile de Maurice Bouchery fut fructueuse : découverte du poste de radio clandestin ainsi que de plusieurs armes et munitions. Son arrestation fut immédiate ainsi que celles de Mesdames Titren et Deswarte. Ce 9 janvier fut considéré par la Gestapo comme une journée faste : enfin elle tenait celui qu'elle recherchait depuis tant d'années, elle avait ainsi décapité la Résistance du Nord en attendant, du moins le croyait-elle, de la démanteler complètement.

 

Mais si la Gestapo triomphait , la Résistance était plongée dans la plus profonde affliction, car Maurice Bouchery, comme tout chef digne de ce nom, avait su gagner l'affection et la confiance de ses troupes. Il était vraiment le patron comme tous ses compagnons le dénommaient familièrement. Le premier moment de stupeur passé, chacun se rendit cruellement compte que l'absence de ce grand chef allait être extrêmement préjudiciable à la suite des opérations au moment où, à l'approche du débarquement, les ordres de Londres devenaient de plus en plus pressants.

 

Enfin un autre sujet d'angoisse : il ne faisait aucun doute que la Gestapo emploierait les moyens les plus atroces pour faire parler cet homme qui, depuis 42 mois, avait créé, structuré et commandé tant de réseaux et qui, de ce fait, était capable de donner des renseignements extrêmement précieux pour l'armée allemande, renseignements qui pouvaient aboutir à l'arrestation d'innombrables résistants.

 

Allait-il tenir ?

 

Maurice Bouchery, en dépit des tortures les plus barbares, a tenu. Pendaison par les pieds, schlague, supplice de la baignoire, décharges électriques au crâne, aux poignets, aux pieds, rien de tout cela ne réussit à lui arracher un seul nom ( rien que pour La Bassée il en connaissait 62). Et ce n'est certainement pas son plus mince titre de gloire que d'avoir réussi à faire reculer à ce point les limites des forces humaine.

 

Mais le malheur appelle le malheur et le diabolique engrenage était irréversible. Le 12 janvier, c'était Robert Buisine qui était arrêté à son tour. Grâce à Arthur Planque, contremaître à Finalens, et résistant Voix du Nord lui aussi, qui, sur ordre de Maurice Bouchery, pointa sa carte de présence de Finalens dans la nuit du 7 au 8 janvier 1944 il pût bénéficier d'un précieux alibi. Mais la présence de sa camionnette à Lille, au matin du 8 janvier 1944, restait très compromettante pour lui Maurice Bouchery réussit à lui glisser à l'oreille le 15 janvier lors d'une séance d'épouillage à la prison de Loos tu diras que je t'ai volé ta camionnette. C'est ainsi que Robert Buisine fut relâché, faute de preuves, mais pas avant juin.

 

Dès son arrestation, le souci constant de Maurice Bouchery fut de protéger ses co-inculpés et de se sacrifier pour alléger au maximum leur culpabilité. Il comparut devant le Tribunal de guerre allemand au mois de mars. Là aussi, dans le souci de protéger ses compagnons, il se chargea terriblement. Quant à sa fierté, il ne l'abandonna jamais, c'est ainsi que lorsque le Président du tribunal lui demanda s'il n'avait pas de regrets d'avoir trahi les accords d'armistice signés par la France avec l'Allemagne nazie, il répondit crânement : Ce n'est pas une question à poser à un officier français.

 

Il fut condamné à mort. Cette sentence, il s'y attendait et il l'accueillit avec calme et dignité. En avril, il fut dirigé sur Bruxelles ( Prison Saint Gilles) et de là à la forteresse de Ludwigsburg où il fut fusillé le 14 juillet 1944. Il était âgé de 47 ans. Il n'y eut aucun témoin de son exécution ; du reste, la nouvelle ne fut connue que plusieurs semaines plus tard. Les termes de sa dernière lettre ainsi que l'écriture ferme prouvent son courage et son calme. Elle fut écrite quelques minutes avant son exécution : Je désire que vous fassiez rentrer ma dépouille en France. Pas de monument sur ma tombe, mais une plaque portant : engagé volontaire durant la guerre 1914-1918. Engagé volontaire du 22 juin 1940 au 14 juillet 1944. Maintenant il est temps, on vient me chercher. Vive la France. Tels furent ces derniers mots.

 

Son carnet de notes, à la date du 22 septembre 1940, contenait les deux strophes suivantes :

Je ne veux voir que la victoire 

Ne me demande pas : après ?

Après, je veux bien la nuit noire

Et le sommeil sous les cyprès.

 

Je n'ai plus de joie à poursuivre 

Et plus de chemin à souffrir.

Vaincu, on ne pourrait vivre ,

Et vainqueur, on pourra mourir.

Que dire après la lecture de ces deux émouvants extraits ? le meilleur commentaire n'est-il pas le silence et la méditation ? Le 17 octobre 1944 était constitué le Comité Bouchery. L'annonce de cette constitution parut au Journal Officiel de la République Française du 11 décembre 1944. En voici le texte : 17 octobre 1944, déclaration à la Préfecture du Nord Comité Bouchery. But : honorer la mémoire du grand martyr de la résistance, Maurice Bouchery, et poursuivre son oeuvre. Siège social à La Bassée 5 rue Maurice Bouchery.

Ses membres, tous anciens résistants ( et qui tous, ils tenaient à le rappeler, ont eu la vie sauve grâce au courage surhumain de Maurice Bouchery) étaient une trentaine à l'origine. Le dernier survivant fut Gilbert Briois, disparu le 19 mai 2002 .La rue des Héronvals était solennellement baptisée rue Maurice Bouchery. Une plaque était apposée sur la maison qui lui servit de P.C à l'angle de la rue des tanneurs. Un monument était érigé à l'entrée de La Bassée au bas de la côte qui mène à la gare. L'inauguration de ce monument eut lieu le 14 juillet 1950 en présence des plus hautes personnalités de la Résistance. Mais la cérémonie qui, sans doute, fut la plus empreinte de gravité, et qui rassembla la population basséenne dans une ferveur unanime, fut celle du retour des cendres de Maurice Bouchery , cérémonie qui se déroula le 24 octobre 1948. La population défila toute la matinée à l'Hôtel de Ville dont le hall avait été transformé en chapelle ardente. Un service solennel fut célébré en l'église Saint Vaast par Monsieur le Chanoine Huyghe, curé-doyen. L'inhumation, après que les honneurs militaires eurent été rendus à la dépouille de Maurice Bouchery , eut lieu au cimetière de La Bassée. Le maire de la ville, le Docteur Maxime Poubelle prononça un discours d'une très haute tenue . Et combien fut émouvante la Marseillaise qui retentit sous la baguette de Robert Buisine, tandis que Maurice descendait lentement dans la tombe.

Cet événement du 24 octobre 1948, qui rassembla à la Bassée plusieurs milliers de résistants, fait date dans les annales de notre ville. Toute la presse régionale y consacra des pages entières. Comment ne pas réunir dans le même souvenir tous les héros basséens qui sont tombés pour que vive la France. Inclinons nous respectueusement devant le souvenir de Léon Barrez, Alfred Barrez, Albert Grard, Serge Leburgue, Omer Mercier Père, tous morts en déportation. Une plaque inaugurée le 23 juillet 1950 sous la présidence d'honneur de Madame la Maréchale Leclerc de Hauteclocque rappelle leur arrestation, la date et le lieu de leur décès. Cette plaque est apposée 86 rue Leclerc. N'oublions pas non plus les cinq basséens fusillés lors de la libération de la ville : Charles Chuin, Gérard Delcroix, François Patoux, Kléber Ployard, Henri Rouze. C'était le 4 septembre 44 à 16 heures à la sortie de la ville. C'est pour rappeler le souvenir de ces cinq hommes victimes de sauvages représailles que la rue Parsy qui en fut le théâtre, a été débaptisée et appelée rue des cinq fusillés.

Le comité Bouchery a fait apposer une plaque sur la maison de son chef ( à l'angle de la rue des Tanneurs ) sur laquelle il est inscrit : Il est mort en héros, après avoir subi le plus effroyable des martyres pour que vivent la France et la Liberté.

 

 

Puissent les basséens ne jamais l'oublier !

Auguste GRAUWIN 

Président des Anciens Combattants 

Et Prisonniers de Guerre 39-45 (A.C.P.G)